[Interview] Les communautés de marque > Cédric Deniaud

Info
Article mis à jour le 05 aout 2018 et initialement publié le 14 septembre 2010 sur nouslesgeeks.fr

Comme l’avait si bien introduit hélène dans sa précédente Interview de Sophie Gironi, si Nous les geeks on est inscrit sur 372 médias sociaux, qu’on passe nos folles nuits d’hiver à surfer sur le web, se renseigner, découvrir, participer à des meeting … c’est que l’on est de véritables (geeks) passionnés. Personnellement, ce qui me fait avancer dans la vie est cet échange, cette perpétuelle découverte que me procure les rencontres, débats et interactions de mon quotidien.

Dans le cadre de mon mémoire de fin d’études sur les communautés virtuelles de marques de produits alimentaires et l’innovation, j’ai eu la chance de devoir interviewer une dizaine de community manager et experts des médias sociaux dont monsieur Cédric DENIAUD, Co-fondateur du cabinet conseil Internet, The Persuaders

Je vais donc vous retranscrire cette interview de but en blanc. Je ne l’ai pas allégé car pour moi, tout est intéressant. Cette interview est relativement longue, mais rassurez vous elle se lit comme du petit lait 🙂 Bonne lecture.

Durée : 1h 06 minutes 🙂

(CD) Ok, et t’es d’ou?

(AM) Je suis à l’ESSCA

(CD) ok donc à Angers

(AM) Nan, j’étais à Paris et maintenant j’suis en stage à Paris, j’ai seulement fait 1 an et demi à Angers. Il y a deux pôles à l’ESSCA, il y a Paris et Angers. Vous connaissez l’ESSCA ?

(CD) Oui, jsuis de Nantes et j’ai fait une école à Tours.

(AM) D’accord, alors juste avant de commencer je vais vous présenter le but de mon mémoire. C’est un mémoire sur les communautés de marques de produits alimentaire. Le but est de s’interroger sur : En quoi les communautés de marques sont elles facteurs d’innovation. (AM) Je me suis concentré sur les marques de produits alimentaires car il y a peu voire pas d’écrits de la littérature académique qui s’intéresse à ce nouveau phénomène.

(CD) ok

(AM) Est ce que vous pouvez vous présenter ?

(CD) Ok, alors déjà qu’est ce que tu entends par communauté de marque?

(AM) Bah, c’est l’ensemble des gens qui  …

(CD) Est ce que pour toi une communauté de marque c’est une fan page Facebook.

(AM) Nan, bien sur que non, c’est un des supports d’une communauté de marque, une communauté de marque c’est l’ensemble des gens qui … sont animés par la volonté de participer à l’évolution de la marque, des gens rassemblé autour d’une marque. Et après ils peuvent se retrouver virtuellement sur Facebook, mais ç’en est un des nombreux aspects.

(CD) Ok, alors d’accord, alors pour toi ce sont des gens, clients ou pas, qui ont un intérêt à venir écouter et participer à la vie de la marque.

(AM) Ouai c’est ça,

(CD) Je répète ce que tu dis

(AM) qui sont attirés par la marque et qui peuvent décider d’intervenir pour elle.

(CD) D’accord

(AM) Donc sinon pour le mémoire je me suis intéressé à la compréhension de l’interlocuteur et de ses fonction et après j’ai trois thématiques différentes qui sont l’information, le sentiment d’appartenance et l’innovation. Et par exemple je me suis intéressé à différents cas pratiques et notamment le cas my nuttella, vous connaissez? et on s’est rendu compte que la communauté est pratiquement pas gérée et …

(CD) non t’as deux cas,

(AM) alors allez y

(CD) Il faut savoir que quand on parle de communauté il y a les communautés auto-fédérées et auto- modérées, c’est à dire sans finalement que la marque soit – là pour s’investir et contrôler ; Le meilleur exemple c’est, Apple, la marque est la plus communautaire au monde, communauté de Iphone, de Mac etc c’est une marque très communautaire qui pour autant, quand on regarde en terme d’outils que la marque met en place, elle met rien en place. Pas de fanpage Facebook machin, pas de compte twitter machin. La différence où Dell va mettre pleins de choses en place.

(AM) Là où je voulais en venir avec my nuttella, c’est que nutella a mis en place un support, ils ont créé un support mais il ne le gère pas.

(CD) Plein d’autres exemples, une marque effectivement n’est pas là pour être seulement l’annonceur, l’entité qui va diffuser un message mais pour être le facilitateur. Ils vont mettre en place des outils, des démarches qui vont faciliter la visite des clients, alors des clients au sens large prospect suspect de la marque. Pourquoi, parce qu’aujourd’hui je n’ai pas envie d’avoir une relation qu’avec la marque, j’ai envie d’avoir une relation avec d’autres gens de la marque et c’est où le terme communauté est intéressant. C’est un cercle, on est dans des conversations horizontales et verticales. Horizontale: de user à user que la marque n’écoute ou n’écoute pas. On s’en fou, que ce soit un forum mis en place par la marque où en dehors de la marque, l’important c’est qu’il y est conversation. Ce que la marque a compris, c’est sa logique de contrôle, ok c’est bien ces conversations mais c’est trop en dehors de chez moi, c’est beaucoup plus compliqué pour moi de venir y participer. Parce qu’il y aura un sentiment d’intrusion et j’ai envie d’avoir une voix qui porte un peu plus que la voix plus simple d’un consommateur. Oui, parce que quand la marque parle, sur des forums, son discours va être perdu au milieu d’une quinzaine de commentaires. Sa voix ne porte pas autant là où elle devrait être valorisée. D’où l’intérêt pour la marque de mettre en place un support, du style my Nutella, je vais pas modéré on va être dans l’échange mais au moins je garde un œil dessus pour réagir si il y a besoin. Je vais donner des rôles différents aux membres de la communauté, des modérateurs par exemple. Donc aujourd’hui, my Nutella n’est pas un contre exemple, il y a plein de communautés où les marques ont compris qu’il fallait donner des rôles aux membres de la communauté. Les communautés de jeux par exemple, où l’admin, va dire à un membre, toi tu vas être modérateur, ça fait longtemps que t’es sur ce forum. Je vais te donner un rôle supplémentaire, bah une marque c’est pareil, sauf qu’une marque dans son, dans sa culture organisationnelle et marketing, c’est un peu plus compliqué à faire pour elle. Elle a toujours été habituée à avoir le contrôle, à avoir que des messages descendants, à être l’annonceur au sens littéral du terme. L’annonceur est là pour annoncer. Alors qu’aujourd’hui un annonceur ne doit plus être un annonceur.

(AM) Là, où j’avais une question par rapport à la responsabilisation de sa communauté, c’est proche des communautés de jeux vidéos, je veux parler des communautés de logiciels libres. On a vu que dans ces communautés, ils passaient beaucoup par la responsabilisation des gens et à travers les communautés de marques, ça passe essentiellement par des rôles plus ou moins importants dans les différents projets durant lesquels ils collaborent, et je voulais savoir si la responsabilisation des membres passent par donner du pouvoir au sein de la communauté.

(CD) Alors, pas forcément par donner du pouvoir, mais au moins reconnaître le pouvoir, au sein de sa communauté. Le pouvoir qu’ils ont déjà, par définition n’importe qui peut s’exprimer sur la toile. Nan, nan, les mecs qui critiquent ma marque je vais faire fermer les forums pour ne pas laisser librement les gens sur la marque, ça ne marche pas. Aujourd’hui tout le monde peut s’exprimer librement, facilement.

(AM) Mais, il y a quand même un gros travail de veille et de fermeture qui est fait par les marques.

(CD) Mais, c’est évident, je le vois au quotidien, en politique c’est la première chose que l’on fait. Ce qui faut voir, c’est que tout cela se place dans des stratégies d’influence, le terme communauté n’a pas de sens. En elle-même, elle sert un objectif marketing et de communication, de fidélisation. Moi je dis toujours que le community management, n’existe pas. Créer un post de community manager c’est faux, c’est bidon, le donner en plus à une agence, c’est une connerie.

(AM) Pourtant, c’est la réalité.

(CD) Il n’y a que du Brand mangement avec une communauté, toutes les règles de gestion pour vous dire, elles sont toutes par définition fausses, parce qu il y aura toujours un contre qui vous dira que ça ne marche pas. On vous dira, oui Facebook, c’est important d’y être. Bah Dell n’y est pas sur Facebook, et pourtant c’est le premier exemple comme marque qui fait du Social Media. Apple ne fait rien, c’est la première marque communautaire dans le monde. A chaque règle son contre-exemple.

(AM) Oui, mais d’un autre côté, c’est aussi le contre exemple qui confirme la règle.

(CD) Il faut faire très attention aux termes qu’on emploie, chaque marque est différente, l’une de l’autre, elle a un positionnement, un historique, une image, une organisation … Tous les éléments qui font que les marques sont différentes. Et c’est là, où va être l’intelligence du “marque” et ting de connaitre sa marque pour savoir derrière ce qu’elle doit faire et dire et ne pas tomber dans des généralités et dire oh lalala tout monde parle de fanpage, il faut qu’on en fasse une. Twitter pareil allez je le fais. Tout le monde me parle de transparence, pareil.

(AM) C’est un article que vous aviez fait.

(CD) Alors ça, tout le monde dit ça, les agences en profitent car elles savent que les annonceurs sont près à dépenser 30 000,  50 000 euros pour ça. Moi mon rôle, mon métier, c’est pas de vendre des projets, je suis pas une agence, je suis pas un salarié. Je suis un indépendant, ça veut dire que je suis libre de dire ce que je veux d’une sur la toile, et de deux, une fois que les gens ont compris ce que je voulais dire, ils ont d’autant plus envie de travailler avec moi. Aujourd’hui si je travaille à l’UMP, si j’accompagne la SNCF, Numéricable, Maaf, Free, plutôt des très grosses marques avec des vrais problématiques conversationnelles. Quand on parle de l’UMP, voilà il y a beaucoup de choses à faire. Faire comprendre une démarche de veille, les retraites, qu’est ce qu’on doit mettre en place, qu’est ce qu’il faut faire, qu’est ce qu’il faut pas faire, qui est qui doit le faire. Toutes ces questions que se posent les parties politiques, les professionnels, ces choses là aujourd’hui moi mon métier c’est de les accompagner. Parce que de dire ok, je te prends, 50 000 100 000 et je le fais à ta place ça n’a aucun sens aujourd’hui, c’est ce que les agences font.

(AM) Je suis pas vraiment d’accord, parce que je travaille en agence, j’suis désolé, et on fait pas vraiment ça, on met le pied à l’étrier on créé l’identité numérique d’une marque on alimente un peu au début et après, une fois que c’est lancé on donne la main à la marque. La communication qu’elle soit globale ou sur Internet, ne peut pas être gérée par une agence, c’est la marque qui sait ce qu’elle doit dire.

(CD) Et bah, c’est très rare, c’est toi qui a proposé ça ?

(AM) oui

(CD) Et bah tu vas voir que ca continuera pas comme ça ç’en est où? aux prémisses ?

(AM) ouai, on a juste proposé de faire ça.

(CD) Et bah, dans la majorité des cas, l’agence te dira toujours qu’elle le fera mieux que toi, que c’est compliqué, que c’est pas un travail pour eux. T’inquiètes pas, je te le fais à ta place, je te fais un ptit plan d’animation sur un mois. Tout ça je le vois tous les jours, regardes on a fait ça on a un compte twitter, on est bien, sauf que derrière cela ne rapporte rien à la marque.

(AM) Et juste pour clarifier votre métier, vous êtes formateur de community manager.

(CD) Moi je suis conseiller au sens premier du terme, moi je suis le meilleur ami des marques, je suis la personne qui parle à l’oreillette de Xavier Bertrand en disant attention, ton agence elle veut faire ça, elle veut t’enculer, moi mon métier c’est de dire ça. Alors après t’as des agences qui sont un peu plus intelligentes que d’autres, il y en a qui ont compris qu’il fallait mieux, être ami avec moi plutôt qu’être ennemi. Parce que je suis un peu le contre-pouvoir des agences auprès des annonceurs. Sauf qu’aujourd’hui une agence qui se met contre moi, elle a plutôt beaucoup de choses à perdre que l’inverse.

(AM) Parce que vous avez un auditoire plus ou moins …

(CD) Lorsqu’un commercial, vient vers toi en te disant, moi je ne te vends rien. Vous êtes plus ou moins enclin à l’écouter, parce qu’il le fait d’une manière pas philanthrope mais il n’est pas intéressé. Il va pas me dire va sur Facebook, parce qu’il développe des applications Facebook, nan. Moi, j’ai des comptes à rendre à personne je fais et propose ce que je pense être le plus judicieux. Après dis-moi avec qui tu bosses aujourd’hui, je vais te dire si ils sont bon ou pas. S’ils ont bien compris etc.

(AM) Le message que vous voulez faire passer quand on parle community management, c’est que c’est pas quelqu’un d’autre à part la marque qui peut s’en occuper.

(CD) J’ai créé un article l’autre jour en disant le community manager doit être dans l’entreprise. Tout le monde me dit en théorie, oui, les agences oui, mais bon ils ne sont pas près machin machin. Bah oui, il sont pas près mais si vous les aidez pas à être prêts ils le seront jamais prêts. Le freelance me dit, “ouai mais nan” je ne suis pas d’accord avec ce que tu dis. C’est normal, il va défendre son bout de gras. Tous les annonceurs, à qui j’ai envoyé l’article, “on est totalement d’accord avec toi”. On sait qu’on se l’est fait mettre par notre agence. Moi je dis qu’on a toujours le choix. Mon prochain article ce sera, le community manager doit être dans l’entreprise, mais le community manager se trouve déjà dans l’entreprise. Il y a déjà un mec chez vous. C’est une personne qui doit avoir une logique adaptée à la stratégie de la boîte, passer par un freelance ou une agence ça n’a pas de sens. C’est parce que vous croyez que le métier, il est difficile, il est web et tout que ce  que vous voulez pas faire. Moi j’ai fait une école de commerce, du marketing, le web je m’y suis formé. Le web c’est une compétence, ça s’apprend, la logique de la boîte c’est beaucoup plus difficile de la comprendre et de l’apprendre.

Il y a deux possibilités soit on y va à fond on se met sur Twitter Facebook et tout, et on se plante parce qu’on sait pas quoi faire, soit on y va progressivement. Moi mon rôle s’est d’accompagner les marques Je suis un outil d’aide à la décision. Ce n’est pas le rôle de l’agence car derrière, elle le fait de manière intéressée. Voila moi, j’arrive avec un retour d’expériences, beaucoup d’expériences que l’agence n’a pas, l’agence, elle a géré deux trois fan pages, elle lit des blogs comme tout le monde. Elle va te dire mais attends moi j’ai compris, toutes les agences le font. J’ai travaillé avec une grosse compagnie d’assurance en France.

(AM) Zérotracas …

(CD) (Sourire) une grosse compagnie d’assurance en France, en face de moi, c’est une agence ils sont 300 moi je suis seul. Il y a deux recommandations, et le mec me dit, moi je sais pas quoi décider. Vous en avez la preuve par vous même lorsque moi je vous dis, vous avez besoin de le mettre en perspective avec ce qui existe. Ce qui prouve que vous avez besoin de quelqu’un pour vous aider à prendre les bonnes décisions. L’agence en face elle apporte sa reco blabla, et ouai ils sont quand même bien plus détaillés que vous.

(AM) Ouai, mais ils sont 300 …

(CD) Ils ont proposé un budget 5 fois plus gros que le mien, bah a priori, ils vont passer 5 fois plus de temps en prospection parce qu’ils savent que ça va leur rapporter cinq fois plus. C’est logique. Là je fais ok, je vais vous mettre dans la confidence, aujourd’hui, ils ont personne qui gère le social media chez nous, ils ont proposé ce poste à un de mes meilleurs potes, aujourd’hui, il y a personne chez eux. La personne qui vous a fait cette recommandation, ça fait un an et demi qu’il est sur le marché du travail, vous pensez sincèrement qu’il peut comprendre la stratégie que vous voulez mettre en place ? Ah bah nan, bah vous avez besoin d’une personne qui a déjà fait des trucs dans le social media et qui sait comment les faire. Une reco, c’est facile, on se renseigne on lit des blogs on dit qu’on sait le faire mais concrètement on l’a jamais fait. Arrivé avec des choses qui n’ont jamais été dite, que t’as su appliquer et tu as prouvé que ça fonctionnait, là ok.

(AM) Moi ce que j’aimerais savoir quel est le fondement de vos propositions par rapport à une agence?

(CD) La démarche que va avoir l’agence, c’est de fonctionner petit à petit et de voir comment ça évolue, moi ma politique c’est de dire oui, vous pouvez faire ça, vous l’avez d’ailleurs déjà fait. Moi j’interviens en amont, je suis un outil d’aide à la décision, on va se poser les bonnes questions. Comment doit on être organisé pour mener à bien les bonnes décisions, si vous faites que des petits projets vous aurez que des petits résultats. Votre agence va vous tirer dans un sens et faut savoir qu’une agence elle vend la même chose à tout le monde. Moi j’essaye de m’adapter et de comprendre le client et ses enjeux pour lui donner une stratégie unique.

(AM) Est ce que vous pouvez me donner un exemple concret de stratégie récente ?

(CD) Là , j’ai un exemple concret avec l’UMP où l’agence arrive avec Twitter, Facebook, le blog en même temps qu’on lance le réseau social UMP. Moi je dis on fait qu’un seul évènement on invite pas la presse on n’invite pas machin …, on invite 15 bloggeurs, les blogueurs s’est moi qui les sélectionne on prend des blogueurs de droite, de gauche, des blogueurs non politiques là où l’agence est arrivée en disant on fait un gros évènement avec que des blogueurs de droite. Moi, je dis non, on est estampillé, on n’est pas dans l’ouverture, ils n’ont même pas compris qu’il fallait être dans l’ouverture, que l’UMP a une stratégie d’ouverture. La ligne de bataille depuis 3 ans. ISOBAR, grosse agence dans le milieu, les agences n’ont pas conscience des enjeux politiques. Moi ça ne m’intéresse pas, je ne suis pas intéressé par ce monde là, moi je viens avec mon avis. Les agences travaillent pour le gros cachet, vendre à tout pris.

(AM) Mais pour moi, ces agences elles veulent forcément, vendre à tout prix, elles sont là aussi pour vendre ce qu’elles croient être la bonne stratégie.

(CD) Nan, nan nan, promis, je bosse avec OGILVY,  ISOBAR etc en “ont” les mecs te disent ouai bla bla bla, en off ils ne croient pas une seconde à ce qu’ils font. J’ai discuté avec une fille de chez ISOBAR qui me dit voila, on a un client qui me propose de mettre 30 000 euros pour une campagne de billets sponsorisées sur des blogs. Elle me dit ouai j’ai filé tant à chaque bloggeurs, et le mec ça lui rapporte strictement rien. Genre ok on a eu tant de trucs dans la presse, est-ce que les vrais clients qui lisent ça. C’est de la branlette, c’est ce que moi j’appelle le social media Bushing. Et puis à un moment ça va éclater, ils nous prennent des thunes et ça sert à rien. C’est des bloggeurs qui sont en agences et qui sont lus par d’autres gens qui bossent en agence. Pourquoi je ne rentre pas dans ce milieu là…

(AM) Bah on perd toute crédibilité.

(CD) Media sociaux est le premier Blog marketing en France, on m’achèterait des billets sponsorisés, je les vendrais 1000 euros, je me ferai 3000 euros par mois, je serais tranquille. Bah ouai mais nan, ça ne m’intéresse pas.

Et quand je parle avec les agences, ils me disent ah mais c’est mon client qui arrive avec ça. Bah ton rôle c’est de dire, les 30 000 euros tu me les donnes et j’en fais autre chose. Sauf que l’agence me dit, mais tu comprends si on le fait pas une autre agence ne le fera.

(AM) ok, alors j’arrive pas trop à vous ramener à l’innovation au sein des communautés de marque parce que je suis très intéressé par ce que vous dite  mais après avoir compris votre métier j’aimerais qu’on rentre dans le vif du sujet. Pour finir, j’aimerais comprendre quels sont vos axes de travail, comment vous vous mettez en condition, pour élaborer une stratégie en partenariat avec un client.

(CD) C’est avant tout du bon sens. C’est de comprendre les enjeux de l’interlocuteur que tu as en face. Pas de dire ce qu’ils ont envie d’entendre mais ce dont ils ont besoin. C’est beaucoup de dialogue, ça sert à rien de sortir pleins d’arguments (pas d’arguments stéréotypés) ce qu’il faut c’est l’argument choc. Comme je te l’ai déjà dit, pour moi, chaque client est unique et il faut lui faire comprendre que la recommandation est spécialement conçue pour lui.

(AM) Alors comme je vous l’ai dit, moi je m’intéresse aux communautés de marque en termes de l’innovation. Est ce que vous auriez des exemples concrets?

(CD) Un exemple, débat.sncf.com, une plateforme de questions-réponses autour, avec des clients plutôt mécontents des services de la SNCF. C’était de dire plutôt, qu’une campagne de com., posez des questions, votez pour des questions et les questions les plus pertinentes seront posées aux cadres supérieurs de la SNCF. Le directeur de la clientèle, le directeur de la gare Montparnasse …

Du coup qu’est ce que ça fait? tu es valorisé parce qu’on t’apporte une réponse, on t’écoute …

Et c’est les bonnes personnes qui te répondent. Déjà quand on a écouté et répondu, tu te sens valorisé, il y a déja 50% du travail qui est fait. Après c’est à la SNCF d’agir. Faut pas s’arrêter à la simple conversation. Le but s’est d’avoir le droit de réponse. Plutôt que de faire une bouteille à la mer en répondant sur des blogs ou des forums où les réponses vont être perdu entre les différentes réponses. On va tous se mettre autour d’une table et on échanger. Le principe était que les questions étaient posées et après en interne on allait demander les réponses aux bonnes personnes.

(AM) Et les avis sont pris en compte? Ça a abouti sur quelque chose ?

(CD) Oui, le but s’était de construire, je connais pas tous les détails mais au moins il y a eu un dialogue on a valorisé les internautes. Je prends l’exemple de Nicolas Sarkozy et son débat à la télé, on n’était pas dans un débat frontal, c’était tout le monde autour de la même table, tout le monde d’égal à égal. De même quand tu veux annoncer une mauvaise nouvelle à un mec tu le fais pas en frontal, tu marches avec lui ce qui montre que tu le soutiens.

(AM) Et est ce que vous avez des exemples concrets de marketing participatif qui ont abouti à des innovations et que vous avez du gérer ?

(CD) Oui, il y en a plein, par exemple la MAAF, refonte du site internet, plutôt que de décider avec leur agence, on a mis en place un autre site pour demander l’avis des internautes, qu’est ce qui ne va pas, qu’est ce que voulez mettre en place. Les gens proposent, on vote, les meilleurs suggestions sont identifiées et après la marque apporte une réponse, ça je le fais, ça je le fais pas, pourquoi je le fais pas. 2fois moins cher.

Un autre exemple, AG2R La Mondiale, 2000 collaborateurs dans le groupe, plateforme d’innovation collaborative au sein du groupe. Faites-nous des suggestions, sur des trucs qui sont très techniques, développement durable organisation machin machin. J’ai un interlocuteur en face , plutôt d’avoir un community manager du web, bah nan on va prendre la bonne personne (un interlocuteur développement durable… des gens qui sont déjà dans le truc, les gens savent comment l’outil marche. Le responsable qui va être en charge après il dit ça je fais, ça je fais pas, l’idée c’est vraiment ça de mettre en place le feedback conversationnel. Alors oui il faut intégrer l’internaute, le consommateur, l’employé à la démarche pour pouvoir parler de marketing participatif, qu’il soit intégré à la démarche.

Ce que fait Nespresso, allez y choisissez la fin de la pub avec George Clooney, nan c’est tout sauf du marketing participatif, c’est rien. Par contre, ce que fait Vitamin Water, en disant nous allons co-concevoir le prochain produit qui va sortir, le produit, le nom, la couleur, là ok c’est intéressant. Oui, c’est de la com., mais c’est évident.

(AM) Est ce que c’est pas un peu naïf de croire que les marques donnent la parole aux consommateurs parce qu’elles pensent sincèrement que le consommateur à un avis intéressant à donner?

(CD) Mais oui, c’est évident peut être pas tous les produits, mais c’est évident, c’est avant tout de la communication et du marketing. Il y a toujours le fond et la forme, les deux doivent se suivre. Il faut que si tu promets d’intégrer l’avis tes consommateurs au sein de ton entreprise, il faut que ça suive derrière que ça soit pris en compte, le market, la com. … Et c’est là, la grande difficulté.

Moi ce que je dis il faut réfléchir avant à quelle organisation on va mettre en place. On décide ce qu’il faut faire, là ok ça marche.

(AM) Alors, peut être pas pour les produits alimentaire, mais par exemple AUDI  a demandé l’avis de sa communauté sur des innovations possible et il y avait 10 à 15 % des innovations qui n’avait pas été pensées par l’entreprise…

(CD) Alors on parle beaucoup de DELL, et tout ouai, on fait participer la communauté, 9 idées ont été retenues, combien ont été mises en place? : zéro c’est que du service. Pourquoi parce que Dell a pas forcément les moyens de mettre en place derrière ou ne veut pas le mettre en place. Au final, c’est là marque. Oui, on fait participer les gens, on leur donne la parole, mais c’est la marque qui prendra seule la décision. Les solutions les plus populaires sur le site, je les mets en place. Grossière erreur. On parle beaucoup d’Obama, la prise de parole des internautes. Les deux meilleures suggestions sur sa plateforme internet, c’était sur le fait qu’il prenne un nouveau chien et sur la légalisation du cannabis. Demande aux citoyens ce qu’ils souhaitent, ils vont te parler de drogue et … voila.

(AM) Oui oui, j’avais suivi cet épisode, mais juste pour revenir au mémoire, j’aimerais savoir ce que vous pensez de la co-création et en quoi cela peut être facteur d’innovation.

(CD) Pourquoi la co création est importante? Parce que ça permet de faire parler du produit avant la phase de création. un exemple, DORITOS. Tous les ans communiquent lors du SuperBowl et font participer les internautes pour élire la meilleure pub. Ca fait 3 ans qu’ils le font. Un spot de 30 secondes alors pour faire parler de la marque ils font participer les internautes

(AM) Ouai j’ai suivi.

(CD) Un jeu concours…, attention marketing, il faut capter l’attention du consommateur. Les marques sont omniprésentes. Tous tes choix de consommations expriment qui tu es. Aujourd’hui notre société consumériste, on est pas ce que l’on pense on est ce que l’on achète.

(AM) Ok, et est-ce que vous pouvez me parler d’échec, que vous avez eu dans vos différentes action de marketing participatif, m’expliquez pourquoi ça n’a pas fonctionné.

(CD) L’échec le plus commun, c’est le manque d’accompagnement en interne, les objectifs ne sont pas les mêmes pour l’ensemble des collaborateurs, et l’accompagnement des équipes est primordial. C’est là où c’est la limite du conseiller, moi je dis il faut mettre ça en place, que tant de gens participent au projet. Mais, comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est l’entreprise qui décidera seule.

(AM) Est ce que vous pouvez me donner un exemple concret ?

(CD) Non, bien entendu que je ne peux pas. Nan bah nan.

(AM) C’est vraiment parce qu’il n’y a pas eu cette mise en place derrière. Ok, alors on va changer de sujet. Comment on créé un sentiment d’appartenance à une communauté. Est ce que vous pouvez me donner des exemples concrets par rapport à votre expérience.

(CD) Ok, alors il faut que la promesse, la promesse en tant que marque, il faut que tu tiennes cette promesse. Dire au gens, viens sur ma Fan Page, et dire après on verra ce qu’on va faire. Non, ça marche pas. On fait une réunion et on va voir, on va parler de quoi ça va durer combien de temps il va en sortir quoi. Bah si on te répond pas, bah t’y va pas. Bah une marque c’est pareil. Qu’est ce qui va te faire rentrer sur une communauté de marque. C’est une promesse. Ca va durer tant de temps, on va faire ça. Il faut après tenir cette promesse. La deuxième chose c’est la valorisation, ok j’ai besoin que tu me reconnaisses en tant que moi, que je suis unique. On pense tous que l’on est différent. Une marque c’est pareil. Et après, ce qu’il faut prendre en compte c’est la courbe d’expérience de la participation, l’échelle de la participation. Aujourd’hui des marque disent, je lance de la publicité créative, pour mon prochain spot je vous demande le créer. L’agence qui a fait ça ouai elle a fait un beau site machin machin. Résultat, 5 vidéos, et ouai ça marche pas. Les gens ne vont pas passer 3 jours à créer un film, si la récompense n’est pas en adéquation avec mon investissement.

Il faut une reward en face qui fasse que je m’investisse. Une marque qui dit je t’envoie gérer une île dans les Bahamas.  Ce qui a été fait il y a 6 mois, un land en Australie ; c’était le plus beau métier du monde. Une office de tourisme a fait ça pour une région en Australie. Ils ont dit vous allez pouvoir gérer une île, photo à l’appui des CV de partout dans le monde. Les deux Français qui y sont allés, ont été reçu au grand journal, tu vois le … buzz, c’était un office de tourisme en Australie. Toujours faire attention à ça, le reward est toujours très important. Tu gagnes  1000 euros et ta pub passe à la télévision, je m’en tape. Il faut toujours faire rentrer les gens dans la courbe de participation, il faut que tu les habitues à participer. A faire des petites choses, tu votes, tu machin , tu commentes, tu leur donne des rôles, de novice. Ils vont passer à expert et s’impliquer d’autant plus. La marque c’est comme un couple, tu commences la relation et tu dis on se marie, la fille 98% du temps elle se barre en courant.

(AM) Vous l’avez testé ?

(CD) (ahahha) nan, par contre tu fais un resto, un appartement ensemble … et voila. c’est pareil pour la marque. Tu rentres dans une communauté de marque, le mec te dit vas y, fais moi ma pub. Bah non, c’est mort.

(AM) Et la reward ce n’est pas forcément un prix, ca peut être aussi la valorisation, l’écoute, la participation à un projet qui a les mêmes valeurs que nous.

(CD) Oui, typiquement: débat SNCF, il y a pas de récompense pécuniaire il n’y a que de l’écoute et de la valorisation. Exemple aussi de Windows seven: moi je suis PC et ça c’était mon idée, marketing one to one poussée à l’extrême. Yahoo avec son nouveau slogan : yahoo it’s you.

Ok , (il regarde sa montre ) par contre là je vais devoir y aller.

(AM) OK, merci pour cette interview.

9 Commentaires

  • Clément 14 septembre 2010 12 h 05 min

    J’ai lu tout l’article et j’ai quelques remarques :

    1) Deux trois fautes d’orthographe s’y sont glissés (réponse 23 notamment).

    2) L’interview avait l’air d’être décontractée et du coup le texte laisse paraitre un ton hautain de l’interviewé. Je me trompe peut être, mais M. Deniaud parait dominer la discipline et tient absolument à travailler en électron libre, ce qui me parait pas viable professionnellement sauf pour quelques exceptions.
    C’est un point de vue et il a surement l’expérience et le recul pour tenir un certain discours mais en le lisant c’est tout de même violent.

    Sinon bravo pour le post qui encore une fois est véritablement passionnant, bien que ce ne soit pas du tout mon domaine.

    Répondre
    • Mouss 14 septembre 2010 12 h 38 min

      pour l’orthographe j’avoue que le style est du “parlé retranscrit” et qu’il y a surement quelques fautes… désolé

      et pour la 2, c’est viable:) il fait du “consulting”, il veille à la réalisation et au suivi de stratégies de communication web.
      Il se présente comme expert et vend son expertise. Après il est peut être un peu virulent, mais je trouve que c’est la caractéristique du passionné (entièrement dévoué à sa cause et convaincu par ses propos)

      Répondre
  • Pierre Miceli 14 septembre 2010 13 h 28 min
    http://www.someka.fr

    J’aime bien ces interviews à la volée, et j’apprécie la position de Cédric, critique et passionné par ce métier, et persuadé de ses opinions (que je soutiens amplement).
    En revanche, je suis critique sur la plateforme SNCF – débat. L’idée de départ est bonne, par contre la réalité semble éloigné d’une réactivité de l’entreprise : de nombreux commentaires n’atteignent pas les 20 votes, ou s’ils les atteignent, beaucoup d’entre eux sont répondus 2, 3 mois après avoir été postés…
    Donc un peu mitigé sur ce projet en question et sur ce qu’il est devenu…

    Répondre
  • Chob 14 septembre 2010 21 h 53 min
    http://www.choblab.com

    Merci pour cet interview, le parti-pris de retranscrire la conversation coupe parfois la lecture mais a l’intérêt d’éviter le côté trop “lisse” qu’on voit souvent. Je suis assez d’accord avec les propos de Cédric, les agences vendent souvent des kits (le trio blog-Facebook-Twitter) sans tenir compte des problématiques clients. Mais il y a heureusement quelques exceptions et des agences (j’en connais 2 ou3) qui font du vrai bon boulot en accompagnant les clients plutôt que de faire à leur place.

    Répondre
  • Yannig 15 septembre 2010 9 h 35 min
    http://yannigroth.wordpress.com

    Interview assez complète, et ton sujet de mémoire est passionant (on a les mêmes centre d’intérêt!).

    Je suppose que tu connais les articles de Bernard Cova, qui s’intéresse beaucoup aux tribus de marques, notamment MyNutella : http://www.escp-eap.net/conferences/…/2005…/Cova_Pace.pdf ?

    Connais-tu la spécialisation “Nouvelles Pratiques Alimentaires” de l’Ecole de Design de Nantes ? Peut-être que tu y trouveras des interlocuteurs (étudiants, entrepreneurs, profs) pour ton sujet…

    Répondre
    • Vivien 16 septembre 2010 9 h 52 min

      Yannig, si tu cherches du Cova, j’en ai à gogo de mon sujet de mémoire à moi qui portait sur la maîtrise de l’image de marque. 🙂

      Répondre
  • Cédric DENIAUD 15 septembre 2010 10 h 54 min
    http://www.cedricdeniaud.com

    La conversation puisqu’il s’agissait plus d’une conversation d’une interview a effectivement eu lieu il y a quelques mois maintenant. Le ton était volontairement libre et argumenté. Je ne suis pas connu pour être tendre ou lisse avec les acteurs qui tirent les clients ou le métiers dans le mauvais sens. Ce discours qui je comprends à la lecture pourrait paraitre hautain lorsqu’il est lu ne l’est pas. Pour avoir travaillé pour près de 50 “gros” clients différents sur ces problématiques (Nokia, Coca-Cola, UMP, SNCF, Veolia, …), et pour m’exprimer sur ces questions depuis bientôt 5 ans, je vois beaucoup de choses. L’idée n’est ni d’entre gentil, ni méchant mais juste et d’assumer cette position. Je pense que les boites et agences avec qui je travaille ont compris ces points. Après chaque boite a ses intérêts business, et l’idée n’est pas de changer / révolutionner cela, sauf que n’ayant pas d’intérêt ne vendant ni de solution logiciel, ni des dévelloppeurs mais ne faisant que du conseil, je peux me permettre de tenir ce type de discours. Parfois, mettre un coup de pied dans la fourmillière permet de chasser certains et de faire mieux comprendre à d’autres

    Répondre
  • Vincent 15 septembre 2010 13 h 25 min

    Extrêmement intéressant même si ce n’est pas mon domaine et que j’ai l’impression de passer à coté de certaines problématiques.

    Et effectivement cette interview “se lit comme du petit lait” 😀

    Répondre
  • Alexis Le Rossignol 29 novembre 2010 9 h 32 min
    http://www.socialcommerce.lidoli.com

    Félicitations Mouss pour ce sujet, article très intéressant, comme l’ensemble de ce qui est publié sur nouslesgeeks dont je suis de plus en plus fan! ça fait plaisir de voir que les p’tits esscaïens continuent à faire des mémoires qui envoient!!

    Une question pour Cédric Deniaud: penses-tu que l’on puisse affirmer la chose suivante? “En B to B, être sur fb et twitter n’a pas d’intérêt car ce n’est pas là où l’on rencontre des clients potentiels mais plutôt sur viadéo, linkedin et grâce à un blog”

    Pour parler de notre cas précis chez lidoli, nous commercialisons un système d’avis et commentaires destiné aux sites e-commerce.

    Alex @avosavis

    Répondre

Repondre Annuler la réponse

Articles liés

« La réussite, c’est un peu de savoir, un peu de savoir-faire et beaucoup de faire-savoir. » Jean Nohain